L’éthanol, ce biocarburant censé être plus respectueux de l’environnement, fait débat. Il est grand temps de faire le point sur cette question. L’éthanol est-il vraiment écologique ou est-ce juste une autre manière de justifier notre dépendance aux énergies fossiles ?
Le bioéthanol : qu’est-ce que c’est ?
Le bioéthanol désigne un type de biocarburant obtenu par fermentation de matières premières agricoles riches en sucre ou en amidon, telles que la canne à sucre, le maïs, ou encore la betterave à sucre. Ce biocarburant est généralement utilisé pour remplacer partiellement ou totalement l’essence dans les moteurs à combustion interne des véhicules.
Les atouts écologiques du bioéthanol
Réduction des émissions de gaz à effet de serre
L’un des principaux arguments en faveur de l’utilisation du bioéthanol est la possibilité de diminuer les émissions de gaz à effet de serre (GES) responsables du réchauffement climatique. En effet, le CO2 émis lors de la combustion du bioéthanol est compensé par celui absorbé par les plantes durant leur croissance. Ainsi, l’utilisation de ce biocarburant permettrait de réduire de façon significative les émissions de CO2 par rapport aux carburants fossiles.
Une ressource renouvelable
Contrairement aux carburants fossiles, qui sont issus de réserves de pétrole finies et non renouvelables, le bioéthanol provient de sources agricoles renouvelables. Cette caractéristique confère au biocarburant l’avantage d’être une ressource moins susceptible de s’épuiser à moyen ou long terme.
Un biocarburant pas si vert
Une récente étude publiée dans les Proceedings of the National Academy of Science 1soulève certaines préoccupations concernant l’impact environnemental de l’éthanol. Selon les chercheurs de l’Université du Wisconsin-Madison, la production d’éthanol à base de maïs a eu des effets inattendus et préoccupants.
Cette politique a entraîné une augmentation des prix du maïs de 30%, une expansion de la culture du maïs de 8,7% et une augmentation de l’utilisation des engrais de 3 à 8%.
De plus, ces changements ont dégradé l’approvisionnement en eau à cause des ruissellements chimiques. Selon l’étude, les émissions liées à ces changements d’utilisation des terres ont rendu l’intensité carbone de l’éthanol à base de maïs équivalente, voire supérieure, à celle de l’essence traditionnelle.
Tyler Lark, l’auteur principal de l’étude, déclare :
Cela confirme ce que beaucoup suspectaient déjà, l’éthanol à base de maïs n’est pas un carburant respectueux du climat. Nous devons accélérer le passage à des biocarburants plus performants, tout en améliorant l’efficacité énergétique et l’électrification.
Tyler Lark
Le RFS avait initialement pour objectif d’encourager le développement de biocarburants cellulosiques, qui ne concurrencent pas les terres agricoles dédiées à l’alimentation. Cependant, ces biocarburants n’ont pas prouvé leur viabilité économique, et l’éthanol à base de maïs représente désormais 87% du mandat RFS.
Alors que les prix des denrées alimentaires augmentent rapidement, la politique de transformation du maïs en carburant semble de moins en moins pertinente.
Les émissions liées à la production d’éthanol
L’une des principales sources d’émissions liées à la production d’éthanol provient des changements d’utilisation des terres, qui entraînent une augmentation des impacts environnementaux. L’étude souligne :
« Les émissions sous-estimées précédemment dues à la conversion des terres aux États-Unis, attribuables à cette politique, sont suffisantes pour annuler ou même inverser tout avantage en termes de gaz à effet de serre du carburant par rapport à l’essence. Nos résultats soulignent l’importance de prendre en compte ces changements d’utilisation des terres et leurs effets environnementaux lors de l’évaluation de la performance des biocarburants et des politiques associées ».
Un bilan énergétique controversé
Le bilan énergétique du bioéthanol est sujet à controverse. Certains experts soutiennent que la production de ce biocarburant consomme davantage d’énergie qu’elle n’en génère. En revanche, d’autres avancent que cette filière a progressé ces dernières années et tend vers un bilan énergétique positif. Cet aspect doit être pris en compte lorsqu’on évalue la performance environnementale globale de cette alternative.
La concurrence avec l’alimentation humaine
La production à grande échelle de bioéthanol peut potentiellement entraver la sécurité alimentaire mondiale. La mise en culture de surfaces agricoles importantes pour produire des matières premières destinées à la fabrication du biocarburant pourrait conduire à une raréfaction des terres arables et à une compétition entre cultures vivrières et énergétiques. Cette situation pourrait entraîner une hausse des prix de l’alimentation et aggraver l’insécurité alimentaire dans certaines régions du monde.
La déforestation et la perte de biodiversité
L’extension des surfaces cultivées pour la production de bioéthanol incite à la destruction de forêts et d’écosystèmes naturels, entraînant une perte importante de biodiversité. Ce phénomène est particulièrement marqué dans les pays tropicaux où la canne à sucre, l’un des principaux substrats du bioéthanol, est largement cultivée. Cette déforestation contribue également au réchauffement climatique en libérant d’importantes quantités de CO2 jusque-là emmagasinées par les arbres et les sols forestiers.
Le mix énergétique : une solution pour maximiser les avantages écologiques du bioéthanol ?
Face à ces controverses, Tyler Lark suggère qu’il est nécessaire de mener davantage de recherches sur des alternatives qui ne sont pas cultivées sur des terres agricoles.
« Nous utilisons beaucoup de terres pour le maïs et l’éthanol actuellement », déclare Lark. « On pourrait envisager de remplacer les 56 milliards de litres d’éthanol à base de maïs existants par des biocarburants de nouvelle génération. Cela donnerait l’opportunité de restaurer des millions d’acres de champs de maïs en prairies pérennes et autres paysages, qui pourraient potentiellement être utilisés pour la bioénergie, tout en étant économiquement productifs et en aidant à réduire l’érosion et le ruissellement ».
Pour pallier aux inconvénients environnementaux liés à l’utilisation exclusive du bioéthanol comme carburant, diversifier les sources d’énergie constitue une option intéressante. En combinant judicieusement différentes sources d’énergie renouvelable, telles que l’électricité verte ou le biogaz, il est possible d’atteindre un compromis favorable entre performance énergétique, respect de l’environnement et sécurité alimentaire.
En outre, il convient de mentionner que la sensibilisation des consommateurs sur les moyens d’économiser son carburant doit être encouragée, afin de limiter l’impact écologique associé à la mobilité automobile.
Et si on regardait vers le ciel ?
D’autres chercheurs suggèrent que planter un hectare de panneaux solaires pourrait permettre à une voiture électrique de parcourir 70 fois plus de distance qu’un hectare de maïs, et rapporter trois fois plus de revenus au fermier. Peut-être que l’Association des Combustibles Renouvelables devrait regarder vers le ciel pour trouver la meilleure source d’énergie renouvelable.
Ami lecteur, il est temps de réfléchir sérieusement aux alternatives pour un avenir plus vert. L’éthanol est peut-être une solution, mais est-ce la meilleure ? La réponse n’est pas aussi simple qu’elle en a l’air. Continuons à nous informer, à débattre et à chercher des solutions pour un avenir plus durable.
En définitive, si le bioéthanol présente des atouts indéniables en matière de réduction des émissions de GES et de renouvelabilité, il convient de prendre en compte ses limites environnementales. Afin d’exploiter au mieux les bénéfices écologiques du bioéthanol, il est nécessaire d’envisager une approche globale qui intègre la diversification des sources d’énergie renouvelable et la sensibilisation aux pratiques de conduite plus respectueuses de l’environnement.
- https://www.pnas.org/doi/10.1073/pnas.2200997119 ↩︎